CSRD, CSDD, SEQE, Cbam, Reach... comment éviter le naufrage bureaucratique ?

La CSRD, cela ne vous dit rien ? Il s'agit pourtant d'une réglementation centrale de conformité environnementale de l'Union européenne. Et la CSDD ? C'est un texte si proche de la CSRD que les juristes eux-mêmes ne distinguent pas très bien sa singularité. Le CBAM ? C'est une taxe carbone aux frontières de l'Europe, qui entrera en vigueur progressivement avec de nombreux volets et conditionnalités. La réglementation SEQE ? Le règlement Reach ? Ou encore la Directive DEEE ? En tout, plus de 5000 pages de contraintes réglementaires nouvelles ont été introduites par l'UE au cours des dernières années, ce qui, selon certains, pourrait expliquer la baisse des IDE (Investissements Directs Étrangers) que l'on observe ces dernières années.

Comment toutefois concilier l'objectif d'exigence environnementale forte que s'est fixé l'UE avec la performance économique ? Car si seuls les Européens font d'importants efforts, le risque d'un décrochage compétitif n'est pas à exclure. Pour le moment, les Chinois ont repoussé à 2060 leur objectif de neutralité carbone et ouvrent plusieurs centrales thermiques par semaine. Au pays du milieu, les exigences environnementales semblent désormais secondaires face à la nécessité de relancer la croissance à tout prix. Quant aux Américains, ils pratiquent, au prétexte d'une transition vers un mode de production "vert", un dumping industriel agressif avec l'Inflation Réduction Act, mais de contraintes, point, ou très peu.

On comprend donc que nos industriels nationaux aient le moral en berne et que, sondage après sondage, ils se plaignent à juste titre d'une inflation bureaucratique qui complexifie considérablement leurs opérations.

De quoi parle-t-on ? Principalement d'un changement de modèle qui voit des experts de leurs disciplines, au savoir-faire spécialisé et verticalisé, devoir devenir des acteurs transversaux : identifier en amont les fournisseurs à faible impact environnemental et en aval, développer des modèles d'affaires plus vertueux, induisant une réduction de l'empreinte énergétique lors de l'usage de leurs produits, réparabilité, recyclabilité... Et tout cela doit donc être explicité, documenté, car la réglementation l'imposera bientôt.

Pour l'Europe, sombrer dans la bureaucratie serait suicidaire, ce serait signer sa fin par une absence de vision qui verrait la peur et la technocratie sans souffle prendre le dessus. Il existe toutefois un autre projet ; celui qui consisterait à utiliser la technologie pour permettre une forte simplification des échanges tout en ne sacrifiant rien aux exigences environnementales. Il s'agirait de renforcer les liens entre l'agenda numérique de l'UE et l'agenda environnemental. Les fondements mêmes d'une telle approche existent. Peppol, par exemple, est un projet européen de facture électronique ; en accélérant sa mise en place et en généralisant au sein de ces e-factures le reporting des exigences environnementales, les entreprises pourraient éviter de complexes déclarations intermédiaires. Le Digital Product Passport, par ailleurs, permet de connaître précisément, au sein de l'ensemble de la production européenne, l'ensemble des caractéristiques environnementales d'un produit, au sens de la CSRD, la nouvelle exigence de l'Union qui inquiète déjà beaucoup d'industriels. L'idée générale serait de maximiser l'emploi de formats de données et de principes d'automatisation évitant la création de systèmes bureaucratiques supplémentaires. L'intelligence artificielle pourrait de surcroît être un auxiliaire remarquable pour optimiser la qualification de ces données et leurs formats d'échanges et de reporting. Reconnaissons-le : l'Europe est fortement en retard sur le plan technologique. Rien ne sert de courir derrière, seule une approche de rupture peut lui réussir. Rapprocher le numérique et l'environnement pourrait être ce projet.

Sec Babgi