La voiture autonome, c'est pour bientôt

Si le véhicule autonome venait à prendre son envol, ses conséquences sur le modèle d'affaires de l'industrie autonome et sur la société positionneraient le sujet de l'électrification comme secondaire, souligne Gilles Babinet. Mais il ne faut pas se leurrer : sa généralisation n'est pas pour demain, malgré plusieurs usages intéressants.

Jusqu'à il y a peu, les retours d'expérience concernant le déploiement de véhicules autonomes dans les rues de San Francisco n'étaient pas excessivement positifs : source d'embouteillage, facteur de ralentissement des services d'urgence pour accéder aux lieux des sinistres, révolte des piétons allant jusqu'à mettre le feu à quelques véhicules, tout cela ne laissait rien présager de bon.

Ces derniers trimestres montrent néanmoins que ceux-ci atteignent un niveau de qualité de service et de coût suffisamment bas pour envisager des déploiements sensiblement plus importants. Le nombre d'accidents serait désormais nettement inférieur à celui que provoquent les humains et le coût d'exploitation serait également en baisse significative.

DES OBSTACLES QUI SE LEVENT

Lorsque Waymo a commencé à déployer ses flottes de taxis autonomes en 2017, on estimait qu'il y avait environ un opérateur humain par véhicule (au début installé au volant, puis opérant à distance), et que celui-ci devait reprendre les choses en main environ une fois par heure. A présent, on estime - il s'agit d'informations confidentielles - qu'un opérateur peut superviser cinq ou dix véhicules : une jauge fondamentale pour évaluer la réelle autonomie des véhicules.

Quant au coût de la technologie d'autonomie, le directeur technique de Waymo estimait récemment qu'il baisse désormais d'un facteur 2 tous les 18 mois, rendant désormais la technologie accessible aux véhicules premium.

“Actuellement, une voiture reste en moyenne inoccupée 93 % du temps et, de surcroît, lorsqu'elle se déplace, elle ne comprend - en Europe - que 1,3 passager.”

L'aventure du véhicule autonome n'a pas jusqu'à présent été une promenade de santé. Les entreprises comme Waymo et Cruise ont dû faire face à des défis techniques majeurs, notamment en matière de perception des environnements complexes, comme les rues urbaines encombrées. De plus, les questions liées à la réglementation et à l'acceptation du public, particulièrement après des incidents médiatisés, ont ralenti le déploiement à grande échelle de ces technologies.

TRANSPORTS EN COMMUN

La promesse, souvent énoncée de façon hyperbolique par Elon Musk, est étourdissante, il s'agirait d'accroître le taux d'usage des véhicules individuels de façon drastique, le faisant passer de 7 % actuellement à 20, voire 30 %. Actuellement, une voiture reste en moyenne inoccupée 93 % du temps et, de surcroît, lorsqu'elle se déplace, elle ne comprend - en Europe - que 1,3 passager. Faut-il ajouter qu'une voiture européenne pèse désormais 1.450 kg, une prise d'embonpoint de l'ordre de 45 % au cours des trois ou quatre décennies passées ? Force est d'admettre que ce mode de transport plébiscité par l'humanité entière s'embolise désormais et doit effectuer une mue indispensable.

Ainsi, après avoir dépensé des milliards de dollars au cours des quinze années passées, après que de nombreuses entreprises (Uber, Lyft, Apple, Ford, Volkswagen…) ont abandonné après y avoir chacune dépensé des centaines de millions, si ce n'est des milliards, il n'est pas impossible que cette technologie soit sur le point d'advenir.

Il ne faut cependant pas se leurrer, les résistances sociales, la réglementation et même le prix sont tels que la généralisation n'est pas pour demain. Néanmoins, plusieurs usages intéressants pourraient voir le jour dans la décennie. Le premier d'entre eux serait de fournir des services de déplacement aux populations périurbaines et rurales mal desservies par les transports en commun. C'est d'ailleurs une possibilité qu'évoque fréquemment Elon Musk lui-même.

“LA PLUS GRANDE RUPTURE TECHNOLOGIQUE”

Il est surprenant d'observer combien l'attention du monde automobile semble désormais centrée sur d'autres sujets, en premier lieu sur l'électrification de cette industrie. Si cette transition est salutaire, les constructeurs européens auraient tort de la décrire comme « la plus grande rupture technologique qu'ils ont à affronter depuis la naissance de leur industrie ».

Si le véhicule autonome venait à prendre son envol, il est probable que ses conséquences sur le modèle d'affaires de cette industrie et sur la société positionneraient le sujet de l'électrification comme secondaire par rapport au véhicule autonome. Il faut se souvenir des prédictions faites à l'égard du téléphone mobile (« un marché de 1 million de personnes tout au plus », par le directeur général de France Télécom) au début des années 1990, pour concevoir que la tendance pourrait être semblable avec le véhicule autonome.

Sec Babgi