Droit 2.0 - Bruno Dondero
Droit 2.0 apprendre et pratiquer le droit au XXIème siècle, signé par Bruno Dondero, représente un exercice de synthèse sur ce qu’est amené à devenir le droit dans ce siècle. La première partie -195 pages tout de même- est une forme d’analyse assez exhaustive sur le système d’enseignement du droit. Comme l’auteur a un humour certain, même un néophyte comme votre serviteur prend un réel plaisir à apprendre ce qu’est la formation d’un juriste et les caractéristiques -souvent byzantines- du système professoral universitaire. L’auteur fait à ce titre un plaidoyer sans faille à l’égard des Moocs, qu’il pense plus efficaces pour tous, ce qui est d’autant plus logique qu’il est directeur du CAVEJ, le centre audiovisuel d’études juridique des universités de Paris. Il est plus surprenant de le voir effectuer une attaque en règle du système d’enseignement universitaire tel que nous le connaissons à ce jour.
La seconde partie est un peu plus technique -tout au moins pour ceux qui n’ont pas d’expertise juridique. Elle concerne les émetteurs de régulation et de législation : qui sont-ils ? Comment travaillent t-ils? C’est une introduction nécessaire pour que l’auteur puisse ensuite développer son propos à l’égard de la possible “automatisation” (j’omets ici volontairement la référence à une célèbre marque de VTC) du droit, qu’il développe ensuite, filière par filière. Tous les exemples sont évoqués, des éditeurs de logiciels traditionnels aux nouvelles plateformes spécialisées, en passant par toute une graduation d’acteurs.
Le seul regret -d’importance- que l’on pourrait avoir, c’est qu’à aucun moment l’affirmation célèbre “Code As Law” du juriste américain Lawrence Lessig n’y est mentionnée. Il y a en conséquence deux questions qui resteront en suspens :
les GAFA et autres grandes startups (Uber, ou Airbnb pour n’en nommer que deux) ont-elles la capacité de forcer la loi? On sait en effet que Airbnb a provisionné plusieurs centaines de millions d’euros en frais prévisibles de contentieux avec les collectivités territoriales de part le monde. L’auteur est muet à ce propos.
le code, l’expérience utilisateur, l’algorithme, ne sont ils pas plus normalisants que la Loi elle-même? Par exemple, les algorithmes qui travaillent pour le compte des agences de renseignement ne peuvent-ils pas créer une suspicion sur une catégorie d’individus parce qu’ils ne sont pas convenablement paramètrés? Un appareil de réanimation utilisant un système d’intelligence artificielle prenant la décision de ne pas réanimer un patient le jugeant trop sévèrement atteint (un cas d’école évoqué aux Etats-Unis) ne soulève t’il pas des enjeux de droit? Une voiture autonome provoquant un accident mortel n’en soulèverait-elle pas d’autres ?
Sans doute l’auteur a-t-il préféré circoncire le spectre de son livre à des enjeux qu’il maitrise parfaitement. C’est donc un petit reproche, que l’on oubliera vite. En effet, il faut signaler combien cet ouvrage est précieux par son style même. Votre serviteur l’a lu d’un trait (489 pages) tant l’écriture est plaisante et vernie d’un humour apprécié. Un ouvrage facile dont, à plus vivement conseiller à ceux qui travaillent dans le monde du droit ou qui envisagent de le faire.