Aller à la rencontre de millions de Français avec Café IA

C'est probablement arrivé à chacun d'entre nous : initier un débat sur l'intelligence artificielle, en famille par exemple, soulève immanquablement des questions inquiètes : chacun y va de son point de vue et, reconnaissons-le, ce n'est pas l'information fiable qui domine, mais plutôt la spectaculaire. Beaucoup de nos concitoyens sont par exemple convaincus que l'intelligence artificielle va détruire en masse des emplois. Or, pour la recherche académique la plus récente à ce propos, c'est tout sauf certain.

Certains travaux avancent même que c'est l'hypothèse contraire qui pourrait prévaloir (par exemple, l'OECD Employment Outlook 2023) et envisagent que l'IA suscite une création en masse d'emplois de qualité. Or, de ces travaux, vous n'en avez jamais entendu parler, n'est ce pas ? Les inquiétudes portent aussi sur la mise en danger de la démocratie (ce qui me semble d'ailleurs un risque beaucoup plus tangible), les deepfakes (de même), l'apparition de l'intelligence artificielle générale (IA) ou encore de conscience des machines et de tous les risques supposés que cela induit, etc.

En réalité, l'IA pourrait bien être la quintessence des peurs ; une peur de l'accélération tout court, plus forte encore que celle du changement climatique, de la globalisation du déclassement et je ne sais quoi encore. Mais la peur n'est pas bonne conseillère, elle empêche de construire collectivement, elle ne nourrit pas la démocratie et elle alimente les mouvements populistes dont l'essence même est la peur. Et puis, l'IA inquiète aussi parce que c'est une technologie exogène : une technologie américaine, celle des gens qui parlent anglais, celle de ceux qui sont à l'aise avec la globalisation, celle d'une élite qui bénéficie de la technologie. Cela au détriment du plus grand nombre qui la subit. Il est difficile de prédire les conséquences de cette technologie dans tous ces champs. En revanche, il est certain qu'en permettant à chacun de mieux comprendre ce qu’elle recouvre, les risques d'accaparement, de dévoiement par des intérêts particuliers seront bien moindres.

C'est partant de ce constat de l’existence d’une forte appréhension qu'est née l'idée de "Café IA" au sein du Conseil national du numérique (Cnnum). Dans un premier temps, nous avons organisé une centaine de débats dans toute la France. Qu'il s'agisse de retraités, de collégiens, d'experts dans le domaine de l'informatique, de chefs d'entreprises, d'artisans... le souhait de débattre et de confronter sa perception à d'autres de ce qu'est l'intelligence artificielle nous est apparu très fort. Pour ma part, l'expérience s'est aussi étendue à mes vacances d'été où, visitant des départements ruraux, j'étais vraiment impressionné de voir à quel point existaient des mythes collectifs à l'égard de cette technologie.

L'idée de Café IA, c'est donc d'aller à la rencontre de tous ceux qui souhaitent débattre de l'IA. Potentiellement des millions de français de tout âge et de toute origine sociale... On m'oppose parfois qu'il faut surtout former tout le monde à l'IA, plutôt que de débattre. D'expérience (j'ai donné pas mal de cours et produit des MOOCs à ce propos), la formation n'est efficace que si elle est précédée par la diffusion d'une culture générale du thème considéré. Or, à l'égard de l'IA, un sondage IFOP souligne que 63% des Français ne souhaitent pas y être formés. Et en effet, qui souhaiterait en réalité être formé à une technologie perçue comme dangereuse, nuisant à l'emploi et développée par des libertariens à l'origine de plateformes comme Facebook ou Amazon, dont les conséquences sur les fake news et les jobs faiblement rémunérés sont l'apanage ? Nous ne présumons pas de l'aboutissement de ce débat. Si certains d'entre vous (dont moi) ont des convictions fortes à cet égard, il faut réellement jouer le jeu, de bonne foi et c'est ce que nous voulons faire. Il y a, au delà la conviction que nous devons nous réapproprier notre avenir, l'idée qu'il est nécessaire "d'indigéniser" cette technologie, de l'orienter sur ce que sont nos valeurs, nos choix ; "ré-encapaciter" est un mot un peu moche, mais que le Cnnum utilise fréquemment, car il est fort à propos.

Si vous vous intéressez à cette initiative, et si vous souhaiter y participer, n'hésitez pas à nous contacter sur cafeia@cnnumerique.fr

Sec Babgi