Louis Pouzin, l’un des pères de l’internet - Chantal Lebrument, Fabien Soyez
Louis pouzin a-t-il inventé l’Internet moderne ? C’est largement à cela que cet ouvrage cherche à répondre. On y découvre la vie d’un chercheur brillant, sympathique, trublion et souvent en conflit avec ses tutelles. Une biographie de chercheur, désarçonnante tant elle montre combien notre nation est passé près d’être celle où serait né l’Internet. Car c’est bien de cela dont il s’agit.
Et la réponse se situe effectivement au milieu du livre. Selon l’auteure, Pouzin aurait fait partie d’une forme de communauté de chercheurs qui aurait progressivement retenu son modèle comme étant le plus élégant, le meilleur ; celui qui allait permettre de construire Arpanet, puis et surtout TCP-IP. Un processus itératif, mais néanmoins sur lequel la copaternité de Pouzin est incontestable, de l’aveu même de Vinton Cerf, l’un des co-inventeur de TCP-IP. Car le réseau Cyclade, qu’il avait inventé, fut l’un des premiers si ce n’est le premier réseau fonctionnant en paquet de données autonomes et débarrassé des défauts qui existaient chez ses concurrents, notamment le fameux réseau virtuel, ancêtre du X25 / RNIS. Entre 1970 et 1973, l’année où Vinton Cerf décrit ce qui deviendra TCP-IP, Cyclade disposera d’un net avantage technologique dont il ne profitera finalement pas. La mise à mort sera prononcée par le gouvernement Giscard, et le fossoyeur sera le ministre des télécommunications de l’époque, Michel d’Ornano. On est d’ailleurs un peu décontenancé d’apprendre que l’Inspection des Finances, pourtant exclusivement composée d’énarques sans formation scientifique, réussira l’exploit de pondre un rapport désavouant le réseau Cyclades.
Mais au delà, ce qui marque finalement dans cet ouvrage, c’est l’esprit de Louis Pouzin : ne pas se prendre trop au sérieux, mettre de l’humour et de l’esprit de camaraderie au sein de son équipe et aimer ce que l’on fait au point que l’on en oublie que c’est du travail. Ça a l’air de rien mais ce sont des petits détails, qui pourraient faire toute la différence : car l’audace, la capacité à prendre des risque vient bien plus aisément au sein d’un environnement qui inspire confiance et où l’on se sent bien qu’au milieu d’une armée de cerveaux en compétition frontale.
Combien aimerait-on que Louis Pouzin puisse également nous léguer cette évidence.